Héritier venant en représentation bénéficiaire d’un contrat d’assurance vie : application de la double liquidation fiscale (CA Aix en Provence 28-05-2014)

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Problématique
Lorsqu’une personne vient par représentation à la succession est aussi bénéficiaire à titre personnel d’un contrat d’assurance vie souscrit par le défunt, une double liquidation fiscale est effectuée.
La Cour d’appel d’Aix-en-Provence revient sur cette obligation de procéder à une double liquidation dans un arrêt du 28 mai 2014.
Synthèse
Double liquidation de droits de succession : représentant également bénéficiaire d’un contrat d’assurance vie conclu par le défunt
L’administration indique que lorsqu’une personne venant par représentation à la succession est aussi bénéficiaire d’un contrat d’assurance vie souscrit par le défunt, alors une double liquidation doit être réalisée.
" Ainsi, lorsqu'un petit-fils vient à la succession de son grand-père par représentation de son père prédécédé et qu'il est par ailleurs également bénéficiaire, à titre personnel, d'un contrat d'assurance-vie souscrit par son grand-père, il y a lieu de procéder à une « double liquidation » :
– application de l'abattement prévu pour les enfants au I de l'article 779 du CGI sur la part attribuée par succession en représentation du fils prédécédé ;
– application de l'abattement prévu au IV de l'article 788 du CGI (à défaut d'un autre abattement applicable) sur les sommes versées en raison d'un contrat d'assurance-vie et imposées en vertu des dispositions de l'article 757 B du CGI."
BOI-ENR-DMTG-10-50-80 § 390 et suivants
Faits de l’espèce
Une personne souscrit un contrat d’assurance vie en 1996 et verse sur ce contrat des primes pour un montant de 106 343, 33 euros après 70 ans.
La clause bénéficiaire du contrat est la suivante : "le conjoint de l’assuré, à défaut les enfants nés ou à naître de l’assurée par égales parts entre eux, celle du prédécédé revenant à ses descendants …"
La personne décède le 23 novembre 2011.
Un des enfants étant prédécédé, son fils vient à la succession par représentation et est bénéficiaire du contrat d’assurance vie.
Une taxation d’un montant de 13 145 euros au titre du bénéfice du contrat d’assurance vie est déterminée par l’administration et réglée par le petit enfant.
Le petit enfant conteste cette fiscalité et souhaite que le montant des primes taxables en application de l’article 757 B du CGI s’imputent sur le résiduel de son abattement personnel de l’article 779 I du CGI non utilisé par l’actif successoral.
Le tribunal de grande instance saisi de l’affaire ayant fait droit à la demande du contribuable, l’administration fiscale interjette appel du jugement.
Arrêt du 28 mai 2014
"Attendu que conformément à l'article 779-I du code général des impôts, il est effectué un abattement de 159 325 € sur la part de chacun des ascendants et sur la part de chacun des enfants vivants ou représentés par suite de prédécès ou de renonciation ;
Que se prévalant d'un rescrit du 28 septembre 2010 aux termes duquel l'administration fiscale a précisé qu'il y a lieu de procéder à une double liquidation lorsque le représentant est également bénéficiaire d'un contrat d'assurance-vie conclu par le défunt et dès lors que le mécanisme de la représentation ne s'applique pas en matière d'assurance-vie, (le petit fils) en tire la conclusion qu'il devait donc bénéficier de l'abattement institué par l'article 779-I du code général des impôts ;
Mais attendu que la clause de l'assurance-vie relative au bénéficiaire stipulée ainsi : " le conjoint de l'assuré, à défaut les enfants nés ou à naître de l'assurée par égales parts entre eux, celle du prédécédé revenant à ses descendants …" ne désignant pas précisément (le fils de la défunte), c'est à titre personnel que (le petit fils) vient au bénéfice du contrat ;
Et attendu que le mécanisme de la représentation ne s'appliquant pas en matière d'assurance-vie, ce qui explique l'obligation de recourir à la double liquidation, lorsqu'un petit-fils vient à la succession de sa grand-mère par représentation de son père prédécédé et qu'il est par ailleurs également bénéficiaire d'un contrat d'assurance-vie à titre personnel du fait de l'absence de désignation d'un bénéficiaire déterminé audit contrat, il bénéficie de l'abattement prévu à l'article 779-I du code général des impôts dans le cadre de la succession en représentation de son père et du seul abattement prévu à 788-IV du même code, soit 1594 €, au titre du contrat d'assurance-vie ;
Que le rescrit du 28 septembre 2010 précise bien, d'ailleurs (II – 3°), que c'est dans le cas où le contrat d'assurance vie désigne le père prédécédé comme bénéficiaire, que les sommes issues de ce contrat ont pour effet d'augmenter l'actif héréditaire taxable et sont imposées selon les règles de droit commun applicables aux successions, la double liquidation n'ayant alors pas lieu de s'appliquer ;
Que le jugement déféré sera en conséquence infirmé en toutes ses dispositions et statuant à nouveau, (le petit fils) sera débouté de ses demandes ; "
En l'espèce, le petit fils est personnellement bénéficiaire du contrat d'assurance vie. Une double liquidation s'impose. On calcule distinctement les droits de mutation à titre gratuit :
- Le bénéfice du contrat d'assurance vie se voit appliquer l'abattement prévu par l'article 788 IV du CGI ( 1 594 €) puis application du barème en ligne directe.
- La part recueillie au titre de l'actif successoral est déduite de l'abattement de l'article 779 I du CGI (100 000 € actuellement, 156 974 € à l'époque des faits) puis application du barème en ligne directe.
Conseil
Lorsqu’un petit enfant vient par représentation à la succession d’un grand parent et qu’il est bénéficiaire d’un contrat d’assurance vie à titre personnel, alors il y a lieu de procéder à une double liquidation,
Si le bénéficiaire du contrat est le père prédécédé, le petit fils n'est pas personnellement bénéficiaire, alors le bénéfice du contrat s’ajoute à l’actif successoral et suit le traitement fiscal de la succession. Il n’y a pas lieu de procéder à une double liquidation.
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