La cour de cassation exclut le soutien financier comme suffisant au caractère animateur d’une holding et écarte le report d’imposition du passif isf (cass. Com. 06/05/2014)

FIDFLASH issu de FIDNET3, une ressource en ligne directement exploitable
Problématique
Fiscalement, il est opéré une distinction entre les holdings passives et les holdings animatrices.
Les holdings pures ou passives ne font que détenir une participation. Leur activité est civile.
Les holdings animatrices sont traitées dans de nombreux dispositifs fiscaux comme des sociétés opérationnelles, notamment de plus-values, ISF et Dutreil.
Notion de source administrative, elle a été codifiée au sein des articles 199 terdecies-0 A et 885-0 V bis du Code général des impôts par la loi de finances pour 2011.
Une holding animatrice effective de son groupe, participe activement à la conduite de sa politique et au contrôle des filiales et rend, le cas échéant et à titre purement interne au groupe, des services spécifiques administratifs, juridiques, comptables, financiers ou immobiliers. Cette société utilise ainsi leur participation dans le cadre d'une activité industrielle ou commerciale qui mobilise des moyens spécifiques.
L’administration a notamment commenté cette notion dans le BOFiP sous la référence BOI-PAT-ISF-30-30-40-10.
La preuve de l'animation doit résulter d'éléments concrets établissant l'influence de la holding sur la politique, l'activité ou le fonctionnement de sa ou de ses filiales.
Le fait qu'il y ait même identité des dirigeants entre la filiale et la holding (arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 19 novembre 1991) ou l'importance de la participation de la holding dans le capital de la filiale (arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 8 juillet 1997) ne sont pas des éléments à même de constituer ces preuves.
La Cour de cassation a confirmé cette position dans un arrêt en date du 23 novembre 2010.
La Cour de cassation s’est prononcée dans un arrêt du 06 mai 2014, publié au Bulletin, quant à l’incidence du financement de la holding sur le caractère animateur de cette dernière.
Elle s’est également prononcée à cette occasion au sujet de la retenue comme passif déductible de l’assiette ISF d’un report d’imposition.
Synthèse
Faits
M. X… détenait 99,99 % du capital de la société Comafi dont il était le gérant.
Cette société détenait elle-même 99,60 % du capital de la société Saumur distribution qui exploitait un hypermarché et dont M. X… était le président directeur général.
Le 29 janvier 2006, l’administration fiscale a notifié à celui-ci et son épouse une proposition de rectification de leur impôt de solidarité sur la fortune, au titre des années 1998 à 2002, remettant notamment en cause le caractère de biens professionnels de leurs parts de la société Comafi.
Après mise en recouvrement des impositions correspondantes et rejet de leurs réclamations ainsi que de leur demande de prise en compte, au titre du passif déductible de l’assiette de l’ISF, du report de l’imposition relative à une plus-value résultant d’un échange de parts sociales réalisé en 1994 et dont le montant a été arrêté en 2003, M. et Mme X… ont saisi le tribunal de grande instance afin d’être déchargés des rappels d’impositions et obtenir restitution d’une partie de l’ISF acquitté.
La Cour d’appel a rejeté leurs demandes :
- tendant à ce que les parts de la société Comafi soient qualifiées de biens professionnels.
Elle a jugé que "le fait que la société Comafi ait accepté de se porter caution des financements souscrits par la société Saumur distribution dans le cadre de la consolidation de son fond de roulement ou de ses besoins de trésorerie, et ait conclu avec sa filiale une convention de trésorerie par laquelle « compte tenu des liens de capital qui les unissent, la société Comafi s’est montrée disposée à mettre à la disposition de l’emprunteur (la société Saumur distribution) ses fonds de trésorerie excédentaires » moyennant rémunération, attestent du soutien financier d’un actionnaire mais ne constituent pas une intervention effective dans l’animation de ladite filiale."
Elle a également jugé "qu’il n’était pas justifié d’interventions de la société Comafi dans la détermination des options stratégiques ou opérationnelles de sa filiale."
Elle a relevé que le rapport de gestion présenté par la gérance de la société Comafi à l’assemblée générale du 4 juillet 1997 invoqué par les demandeurs se bornait à décrire les résultats de la société Saumur distribution pour l’exercice écoulé, à proposer une affectation de ces résultats et à faire état des perspectives d’avenir de cette société.
- relatives au passif déductible de l’assiette de l’ISF.
Elle a jugé que la dette d’impôt reportée ne pouvait être considérée comme étant à la charge du contribuable tant qu’il n’avait pas mis fin au report et n’était donc pas déductible de l’actif taxable au titre de l’ISF.
Le redevable se pourvoit en cassation aux motifs que :
- " caractérise un service financier spécifique, et non une prérogative usuelle d’un actionnaire, le fait pour une société holding de se porter caution des financements souscrits par sa filiale et de conclure une convention spécifique de mise à disposition de sa filiale de ses fonds de trésorerie excédentaires."
"La société Comafi a systématiquement garanti les financements bancaires souscrits par la société Saumur distribution, par quatre cautionnements, pour des montants respectifs de 5 500 000 francs pour l’un et 2 500 000 francs pour chacun des trois autres, soit au total 13 000 000 francs, pour permettre la reconstruction et la rénovation des bâtiments d’exploitation de la société Saumur distribution d’où il résultait la participation active de la société Comafi dans la politique de développement de l’activité commerciale de la société Saumur distribution."
Le caractère systématique du cautionnement par la société Comafi d’importants emprunts destinés à financer des investissements opérationnels déterminants dans la politique commerciale de la société Saumur distribution » constituait des interventions de la société Comafi dans la détermination des options stratégiques ou opérationnelles de sa filiale.
- "Sont déductibles des droits de mutation par décès et de la base d’imposition de l’ISF les dettes liquides qui existent dans leur principe, encore que leur montant ne soit pas arrêté ; que tel est le cas de l’imposition de la plus-value réalisée lors d’un échange de titres qui a bénéficié d’un report d’imposition qui existe dès l’échange de titre. "
Arrêt
La Cour juge que :
- "ces faits, s’ils attestaient du soutien financier d’un actionnaire, ne constituaient pas une intervention effective dans l’animation de la filiale et qu’il n’était pas justifié, durant les années en cause, d’interventions de la société Comafi dans la détermination des options stratégiques ou opérationnelles de celle-ci. "
M. et Mme X… ne démontraient ainsi pas que la société Comafi exerçait effectivement une activité d’animatrice de groupe.
- le report d’imposition a pour effet "de permettre de rattacher [l’imposition] à l’année au cours de laquelle intervient l’événement qui met fin au report, de sorte que la plus-value, faisant l’objet du report, entre dans l’assiette de l’ISF au titre de l’année suivant celle au cours de laquelle est intervenu l’événement mettant fin à celui-ci."
"La dette d’impôt reportée ne peut être considérée comme étant à la charge du contribuable et, par voie de conséquence, déductible de l’actif taxable au titre de l’ISF tant qu’il n’a pas été mis fin au report."
Le pourvoi est par conséquent rejeté.
Analyse
La notion d’animation fait appelle de façon nécessaire à la politique du groupe.
Les éventuels services, dont financiers, ne sont qu’accessoires comme l’avait déjà énoncé la Cour.
Le soutien financier de la holding ne peut s’analyser que comme des services financiers ou le soutien apporté par un actionnaire.
L’intervention d’animation de la holding doit être matérialisée, notamment par une convention mettant sous tutelle les organes de la filiale, ou encore par nomination de la holding comme mandataire social.
Ainsi, l'arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 8 février 2005 a reconnu l'existence de conventions prévoyant expressément que les organes dirigeants des filiales devaient respecter la politique générale du groupe définie seule et exclusivement par la holding.
Un report d’imposition est un différé pour lequel on ne fait que constater une assiette.
Le report peut faire l’objet d’une éventuelle exonération via un dispositif fiscal de faveur (report de l’article 151 octies du CGI concernant la mise en société et dispositif de départ en retraite de l’article 151 septies A du CGI) ou purge (donation ou succession suite à un report relevant des plus-values privées, comme le cas ici présent).
En outre, le report peut être diminué d’éventuelles moins-values. Il n’est qu’un constituant de l’impôt sur les revenus de l’année de l’évènement y mettant fin.
La dette n’est donc pas certaine.
© FIDROIT