"La refondation du métier de CGPI" - Partie 2

Analyse métier n° 13
Olivier ROZENFELD – Novembre 2014
RAPPEL 1ère PARTIE
1- La valeur et l’expertise vont primer à l’avenir
- De l’ère rentabilité à l’ère valeur ajoutée
- Le produit est imitable, l’homme non !
2 – Quels doivent être les éléments distinctifs du CGPI ?
- Vendre son conseil comme un produit ou en faire un produit
- La vente d’un produit : le fruit d’un conseil
2ème PARTIE :
3 – L’importance de la marque, de la notoriété
- Demain, le client devra accepter le prix
- De l’acte de vente à la décision d’achat
4 – En matière de segmentation, vers quel type de clientèle se tourner ?
5 – Devenir des entreprises de services ?
6 – Formaliser davantage son offre
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3 – La notion de marque, de notoriété
- Demain le client devra accepter le prix :
Dans la configuration actuelle, c’est l’assureur qui paie, demain ce sera le client, ou en tout cas, il devra accepter la part qui sera reversée au professionnel. C’est lui qui deviendra important. Le Client sera au centre du système. C’est une remise en cause du modèle dans son entier, ne le sous-estimons pas. C’est à ce titre que les notions de conseil et de suivi seront déterminantes sur la durée. Il convient de rappeler, à ce stade de notre réflexion, que ce que le client connaît est votre prix, mais pas votre marge, comme certains l’opposent pour conserver et justifier un régime opaque. Les rétrocessions obtenues ne constituent en rien une marge mais le prix de votre prestation et pas davantage. Il peut donc être légitime que votre client en ait connaissance.
Dans un climat d’incertitude économique, sociale, la marque sera un allié utile pour valoriser votre action.
- De l’acte de vente à la décision d’achat :
Si on arrive à vendre l’idée que le client doit prendre une décision d’achat, qu’il a même un devoir d’achat au regard de l’intérêt et de l’adéquation des réflexions à sa problématique, lui-même consentira à ce que les frais attachés à un produit correspondent au moins pour partie à un conseil réalisé en amont.
Là également la notion de marque est importante car elle peut être porteuse de valeurs et en particulier de cette valeur.
N’oublions pas que les CGP n’ont pas acquis leurs lettres de noblesse. Ici encore, la Marque donne de la valeur grâce à une notoriété instantanée.
Nous ne pouvons pas rester dans un environnement où la crise aurait pour conséquences :
- Soit, une baisse la rémunération du professionnel à services identiques avec pour conséquence une rentabilité qui baisse (!)
- Soit, accepter l’idée que pour maintenir sa rentabilité le professionnel délivre moins de services.
Dans les deux cas, c’est un problème et on ne peut se résoudre à en rester là. Une marque peut devenir un amortisseur à la crise et un rempart à l’absence de règlementation des CGPI.
En dernier lieu, le CGP ne peut se retrancher derrière une profession règlementée donc une règle s’impose : compétence, compétence, compétence. Le CGP a besoin de ce pré-requis pour être séduisant aux yeux du prospect. La marque peut en être le porteur.
4 – En matière de segmentation : vers quel type de clientèle se tourner ?
- A l’évidence, le chiffre d’affaires requis pour atteindre son point mort va s’élever au regard des contraintes de plus en plus lourdes qui pèsent sur les professionnels, sur chaque affaire, tant sur le plan règlementaire qu’administratif, sans compter sur la complexité croissante des thèmes divers qui doivent être traités. Soit il conviendra de différencier les clients sans services, de ceux qui en bénéficient, soit de cibler une catégorie de clients en en excluant d’autres.
- La transparence pose une difficulté en ce sens qu’on isole le prix de chaque client. A partir de là, mécaniquement il faudra monter en gamme et rechercher une clientèle qu’on appellera « intéressante »…
Un inconvénient devient alors un atout : le foisonnement législatif, l’instabilité juridique, fiscale, financière deviennent des armes commerciales redoutables face à une clientèle désorientée. Si le conseil ne devait pas être une fin en soi, il servira »d’arme de séduction massive » du client haut de gamme ou d’apporteurs d’affaires qui seront avides de conseils susceptibles de leur apporter un véritable suivi. Mais il faudra évidemment être performant car le niveau d’information de cette clientèle a fortement progressé.
5 – Faudra-t-il devenir entreprise de services ?
Pour matérialiser ma réflexion faisons le parallèle avec la proposition du roi du Bouthan qui en 1972 a substitué à la notion de PIB, celle de « BNB » : « Bonheur National Brut ». Aujourd’hui, nous jugeons essentiellement la qualité d’un professionnel à ses encours (et l’intérêt d’un client au niveau d’actifs qu’il nous confie alors qu’il pourrait être, par ailleurs, un gros client parce qu’il a de gros soucis patrimoniaux). C’est un paramètre, mais il est devenu très insuffisant. En toute hypothèse, il ne concerne que les relations entre les professionnels. Ce qui importe aujourd’hui c’est l’indice de satisfaction des clients comme le « BNB » pourrait l’être pour un pays. C’est cet élément qui mesure la capacité réelle du cabinet à se développer à l’avenir, à produire. Le montant des encours est un stock photographié à un instant « t » qui ne préjuge pas de l’avenir…
Il est heureux de constater que les outils d’agrégations témoignent du lien entre conseil et collecte : ce sont les clients les mieux renseignés, je veux dire ceux pour lesquels de nombreux renseignements patrimoniaux sont fournis, pour lesquels la production est la plus élevée. Cela montre que le traitement circonstancié et global du client a permis de faciliter l’acte d’intermédiation.
Ce premier niveau d’analyse est confirmé par les analyses des cabinets structurés !
« Il n’y a pas plus aveugle que celui qui ne veut pas voir ». Aujourd’hui, le problème est d’une nature différente. Nous sommes face à un iceberg : de nouveaux marchés peuvent s’ouvrir que nous ne percevons pas faute d’avoir exploré toutes les voies permettant à la clientèle d’accéder à tout ce qu’elle est en droit d’attendre. Une fois accepté cette réalité, nous constaterions que la part de marché qui stagne depuis tant d’années pourrait s’accroître, c’est ce que nous voulons ou pas ! ?
6 – Faudra-t-il formaliser davantage son offre ?
Le prix n’est pas quelque chose d’abstrait. C’est au contraire la contrepartie d’un engagement contractuel d’apporter à son client des services dont il pourra mesurer précisément les contours.
Il existe une différence entre les professionnels.
Les notaires réalisent des actes facturables, les experts-comptables des bilans monnayables. Ils ont donc la faculté de ne pas facturer la phase de conseil, quand elle existe. Les CGP, voient la rémunération de leur activité de base être potentiellement remise en cause. Cela concerne ce qui à ce jour est la source principale de leur rétribution. S’ils ne devaient pas facturer leurs conseils, ils prendraient alors des risques importants. Il faut donc une Valeur Ajoutée visible. Il faut donc une formalisation de son offre. Ils devront sinon rogner sur leur marge.
Au même titre qu’aux Etats-Unis, la société civile a fait émerger les « doer » qui, ne faisant plus confiance en leur personnel politique, ont choisi de prendre leur destin en mains ; il nous faudrait peut-être en France des « faiseux » de la gestion de patrimoine en France. L’acrimonie, le ressentiment des professionnels vis-à-vis du législateur, qui dessine un appareil normatif s’organisant comme une sorte de tutelle où le destin de chacun est administré, doit nous amener à nous réinventer pour montrer que nous savons ce qui est bon pour le client !
Fin de la partie 2/2
Olivier ROZENFELD Président du Groupe FIDROIT © FIDROIT